Vous cherchez
L’accueil et la migration

L’accompagnement, dans nos centres d’accueil, des personnes ayant subi des mutilations génitales féminines

Ce 6 février, c’est la journée mondiale de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF). Nos centres pour demandeur·se·s de protection internationale accueillent des femmes ayant subi ce type de mutilation. Michelle Wagner, infirmière au centre Croix-Rouge de Hotton, explique l’accompagnement qui leur est proposé.

Être infirmière en centre d’accueil pour demandeur·se·s de protection internationale

Cela fait 21 ans que Michelle travaille au centre Croix-Rouge de Hotton. C’est après une visite du centre – un peu par hasard – et une discussion avec l’infirmière qui y travaillait qu’elle s’est dit que ce travail était fait pour elle… Et sa passion est toujours bien présente aujourd’hui !

Elle décrit son travail d’infirmière au centre :

« Mon travail, c’est principalement l’accueil des demandeurs de protection internationale [autrement dit, « demandeurs d’asile »]. La journée se déroule comme suit : le matin, nous avons des consultations infirmières sur rendez-vous à ce qu’on appelle le bureau médical, où nous faisons un diagnostic infirmier. L’après-midi, nous avons des consultations avec le médecin ; c’est nous qui faisons un tri au préalable le matin. Nous avons une fois par mois la consultation ONE. Nous nous occupons aussi de l’accueil des nouveaux résidents du centre, le lendemain de leur arrivée : avec la création des dossiers, une anamnèse, la vérification de la radio du thorax et s’ils sont en ordre de prise de sang, etc. En fait, nous sommes à la fois infirmières, pharmaciennes, mamans, psychologues, sœurs… C’est très varié ! »

Un intérêt marqué pour la question des mutilations génitales féminines

Les MGF sont des interventions modifiant ou endommageant les parties génitales d’une femme ou d’une fille sans raison médicale. Il y a quatre grands types de mutilations. Michelle raconte qu’à l’époque où elle était à l’école d’infirmière, on n’en parlait pas beaucoup, mais un évènement particulier l’a poussée à s’y intéresser de près :

« Un jour, il y a des années, une dame est venue en consultation au bureau médical du centre : elle était infibulée* et c’était la première fois que je voyais cela. Ça m’a vraiment fait mal au plus profond de mon être. À la suite de ça, j’ai fait des recherches, je me suis questionnée, je suis allée au GAMS**, à des conférences, j’ai commencé à suivre des formations. »

Des référent·e·s MGF dans chaque centre

À l’époque où Michelle a été confrontée pour la première fois aux MGF, il n’y avait pas de formation systématique sur le sujet pour les équipes des centres d’accueil. C’est aujourd’hui le cas : 2 personnes par centre, pas nécessairement les infirmier·e·s, sont désignées référent·e·s en MGF et formées sur le sujet par le GAMS, ce qui est essentiel. En effet, comme elle l’explique :

« Il est important que toutes les femmes accueillies soient informées de la même manière sur ce sujet : pour qu’elles comprennent les enjeux sur leur procédure d’asile. Ainsi, si une dame n’est pas informée que les MGF peuvent entrer dans les critères qui permettent d’être reconnue réfugiée, qu’en Belgique on est protégé de cela, elle n’en parlera pas nécessairement (car ça reste très intime) et n’aura pas la même chance de voir sa procédure aboutir positivement qu’une autre qui a bien été informée par le personnel sensible à cette problématique et formé sur le sujet  et  qui, elle, l’a bien compris (et qui en parlera à son avocat, demandera et transmettra les différents certificats requis dans le contexte de sa demande d’asile). Maintenant que le personnel des centres est formé sur le sujet, toutes les femmes sont sur le même pied d’égalité par rapport à cette problématique. »

L’importance de l’accompagnement

Les MGF ont inévitablement des impacts sur les personnes qui les ont subies :

« Je pense qu’il y a toujours un impact psychologique important, mais il peut être de degrés différents suivant le type de mutilation, l’âge auquel elle a été pratiquée, les conditions dans lesquelles ça s’est fait… L’acte en soi est généralement très traumatisant. Au niveau physique, ça dépend du stade de la mutilation… Mais on voit souvent des problèmes urinaires, des douleurs accentuées lors des rapports sexuels, lors des règles ou à l’accouchement. »

Michelle insiste bien sur le fait que lorsque l’on accompagne des personnes ayant subi une MGF, il est essentiel de garder à l’esprit que si pour nous, les mutilations génitales féminines ne sont pas normales, elles le sont pour elles :

« On leur a inculqué ça depuis toujours et parfois, elles ne comprennent pas qu’on trouve cela non justifié. Il faut amener cela correctement pour ne pas les blesser ni les braquer. »

Les MGF sont également considérées comme normales par les jeunes et les hommes dans certaines communautés :

« Par exemple, j’ai rencontré ici des gens qui avaient fui leur pays pour que leur fille de 16 ans ne se fasse pas exciser. Mais celle-ci, juste avant de partir, était allée se faire exciser à l’insu de ses parents, car pour elle, c’était normal, elle n’aurait jamais été une femme si elle n’était pas excisée. Il faut aussi comprendre la mentalité des hommes à qui on dit qu’ils ne peuvent épouser qu’une femme excisée. On dit aussi qu’on excise pour favoriser la fertilité, or c’est faux. »

Michelle précise également son rôle, par rapport à cela, en tant qu’infirmière en centre d’accueil maintenant que toutes sont sensibilisées à ce sujet :

« Nous devons notamment identifier, dans les 30 jours après leur arrivée au centre, toutes les personnes qui risquent d’avoir été ou d’être mutilées. Cela ne veut pas dire qu’on doit faire des démarches, mais qu’on doit les identifier et leur expliquer la trajectoire possible pour elles, toujours en leur laissant libre choix. »

Des partenaires essentiels

Sur la thématique des MGF, Michelle, comme de nombreux collaborateurs en centre d’accueil, travaille avec des plannings familiaux spécialisés sur le sujet et surtout avec le GAMS et les outils de l’association :

« L’outil de la trajectoire créé par le GAMS nous sert vraiment beaucoup. Il permet, une fois qu’on a identifié une personne provenant d’un pays où les MGF sont pratiquées, de la guider correctement en fonction de son type de MGF, du risque d’en subir, s’il y a un enfant ou pas, etc. Effectivement, en fonction de ces éléments, les démarches sont différentes. »

Par ailleurs, les personnes ayant subi des MGF peuvent avoir un accompagnement psychologique au GAMS, la Croix-Rouge favorise cela.

« Il y a également différents ateliers (de cuisine ou autre) où elles peuvent se retrouver entre femmes ayant le même problème. Mais ça peut être aussi des groupes de parole, des ateliers thématiques : par exemple, comment se préparer à l’accouchement quand on a été excisée. »

Les enjeux de la sensibilisation

La journée mondiale de lutte contre les mutilations génitales féminines permet de mettre le sujet en lumière auprès de tout le monde :

« C’est sensibiliser l’opinion publique sur le fait que ça existe, que ça existe toujours à notre époque, et même en Belgique ! Je pense aussi que c’est une manière de reconnaitre ce que les femmes ont subi, de les mettre en valeur. »

 

* Une infibulation est l’un des 4 types de MGF : il s’agit du rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris. Pour en savoir plus sur les types de MGF et les pays où elles sont le plus pratiquées : https://gams.be/mgf-excision/.

** Groupe pour l’Abolition des mutilations sexuelles féminines (https://gams.be).