Enfance, jeunesse et migration
Selon l’UNHCR, 40 % des personnes déracinées dans le monde sont des enfants. Au sein des centres d’accueil pour candidat·es réfugié·es de la Croix-Rouge, les mineur·es représentent une personne sur quatre. Comment garder sa place d’enfant lorsque l’on vit la migration ?
Les jeunes candidat·es réfugié·es accueilli·es par la Croix-Rouge ont souvent des parcours bouleversants, jalonnés de 1001 embuches. Ils·elles ont pourtant une capacité à rebondir saisissante. Tentons d’en saisir la teneur.
Du départ du pays d’origine
Quitter son quotidien, son école, sa maison, ses ami·es, son plat préféré, sa langue maternelle ou encore sa famille est souvent une épreuve déchirante. Des milliers d’enfants sont pourtant soumis à cette réalité largement relayée dans les médias. Certains sont accompagnés de leurs parents ou d’autres adultes ; d’autres entament seuls ce périlleux voyage (les Mineurs Etrangers Non Accompagnés). Pour la plupart d’entre eux, migrer n’est pas un choix propre, mais plutôt celui des adultes qui les entourent. Un choix qu’ils·elles ne comprennent pas toujours. Certain·es sont contraint·es de partir de chez eux·elles à cause d’une persécution, d’un conflit, de la pauvreté ou des changements climatiques ; d’autres sont en quête d’une vie meilleure et plus sûre.
Via la route migratoire
En raison de leur âge, les jeunes migrant·es sont susceptibles d’être particulièrement vulnérables. De nombreux obstacles jalonnent leur trajectoire car, la plupart du temps, ils·elles n’ont guère la possibilité d’emprunter un itinéraire sûr et/ou d’être accompagné·es de leur famille : travail et mariages forcés, traite des êtres humains, violence, exploitation, discrimination, vie dans des camps de transit. Ils·elles sont rarement scolarisés durant leur trajet et ne reçoivent pas nécessairement de soins médicaux appropriés.
Vers le pays d’accueil
Lorsqu’ils·elles arrivent en centre d’accueil, les jeunes candidat·es réfugié·es semblent souvent, à première vue, avoir une vision de leur parcours très mature pour leur âge et une étonnante capacité de résilience par rapport aux situations difficiles et souvent traumatisantes qu’ils·elles ont rencontrées. Il ne faut néanmoins pas sous-estimer les séquelles de ces traumatismes et les difficultés psychologiques et comportementales qu’elles peuvent entrainer.
Ensuite, arriver dans un pays d’accueil et y demander l’asile signifie retrouver de la sécurité et une vie un peu plus « normale ». Néanmoins, cette « vie normale » demeure pleine d’incertitudes, car suspendue à une décision qui pourrait renvoyer les enfants chez eux.
Enfin, la vie en centre d’accueil a également un impact sur les relations au sein des familles. D’abord, la cohabitation, dans une même chambre et sur la durée, d’une famille entière peut s’avérer compliquée. De plus, grâce à la rapidité avec laquelle la plupart des enfants apprennent la langue française, ils se retrouvent fréquemment à devoir assister leurs parents dans un rôle de traducteur vis-à-vis des intervenants sociaux, scolaires ou autres, ayant ainsi accès à des informations et devant assumer des responsabilités qui ne sont pas les leurs (phénomène de « parentification »).
Accueil particulier pour public particulier
La Croix-Rouge accorde une attention particulière à l’accompagnement des jeunes demandeur·euses d’asile et de leurs familles. Objectifs : leur permettre de retrouver la place qui est la leur, mais aussi développer une approche centrée sur la détection d’enfants en souffrance ou en grande difficulté.
Au-delà de la scolarisation (obligatoire pour tous les enfants en Belgique), la Croix-Rouge les soutient grâce à divers dispositifs mis en place dans l’ensemble des centres d’accueil (écoles de devoir, etc.). Dans ce contexte, il y a 15 ans, le centre de Natoye ouvrait ses portes. Sa mission : mener un travail particulier de sécurisation auprès des enfants demandeurs de protection internationale. Alexandre Cordon, responsable du pôle psycho-médicosocial-MENA du département Accueil des Demandeurs d’Asile de la Croix-Rouge de Belgique nous en dit plus.
Tous les centres d’accueil de la Croix-Rouge accueillent-ils des enfants ? Comment est-ce organisé ?
Notre réseau compte à ce jour 24 centres d’accueil pour candidat·es réfugié·es. La plupart d’entre eux accueille des adultes isolés, mais également des familles avec enfants. Par ailleurs, 9 de ces centres accueillent également des Mineurs Etrangers Non-Accompagnés (MENA).
Que met en place la Croix-Rouge de Belgique dans ses structures, pour accueillir au mieux les mineur·es ?
Très concrètement, chaque centre développe de nombreux projets à destination de ses jeunes résident·es, tels que l’organisation régulière d’activités culturelles ou sportives dans et en dehors de ses murs, de stages durant les vacances scolaires, ou encore d’écoles de devoirs, assurées par de précieux volontaires. Le soutien à la scolarité est évidemment un élément essentiel de l’accompagnement dont bénéficient les enfants.
Par ailleurs, l’un de nos centres – celui de Natoye – s’est quant à lui focalisé sur l’accueil spécifique des enfants. Grâce à une équipe formée, il propose à ses jeunes résidents un suivi rapproché, notamment à travers l’utilisation d’une ludothèque de qualité mais aussi d’un espace « Snoezelen »1. Notre objectif est d’étendre cette approche dans d’autres centres.
Accompagner les enfants, est-ce aussi accompagner les parents ?
Bien entendu ! Au-delà des éléments concrets évoqués juste avant, notre objectif est surtout de proposer aux personnes un accompagnement familial de qualité que nous pourrions résumer comme ceci : nous souhaitons aider les enfants à rester des enfants, mais aussi soutenir les parents dans leur rôle de parents (NDLR : implication dans la vie scolaire, choix des jouets ou des vêtements, accès à des espaces de jeux, etc.). En effet, la question de la parentalité est essentielle. Notre volonté est de ne jamais nous substituer aux parents ou aux tuteurs des jeunes que nous accueillons, mais plutôt d’aider ceux-ci à exercer leur rôle au mieux, en tenant compte des difficultés et traumatismes qui sont les leurs.
1 Espace multisensoriel destiné à aider les enfants à revenir à des sensations connues et sécurisantes, à éveiller les sens et à réduire les tensions.