Confiné∙es parmi les confiné∙es : nos résident∙es les plus vulnérables témoignent.
Se souciant de protéger les personnes les plus à risque face au Covid-19 parmi les candidat∙es réfugié∙es qu’elle accueille, la Croix-Rouge leur dédie un espace de confinement spécifique : le « Bâtiment H ». Explications et témoignages.
Depuis le début de la crise du Covid-19, le département Accueil des Demandeurs d’Asile de la Croix-Rouge a pour priorité la protection des personnes les plus vulnérables. C’est pourquoi un espace leur a spécifiquement été aménagé, au sein du centre d’accueil de Belgrade : le « Bâtiment H ». Entièrement isolé et cloisonné du reste du monde, il accueille ainsi tous∙tes les candidat∙es réfugié∙es accompagné∙es par la Croix-Rouge en Belgique francophone considéré∙es comme vulnérables médicalement.
Les entrées dans cet espace sont strictement limitées au personnel indispensable : équipe médicale, collaborateur∙rice chargé∙e de la livraison des repas. Les occupant∙es du lieu, quant à eux∙elles, ne peuvent sortir de la zone isolée, sauf en cas de départ définitif.
A son plus haut taux d’occupation, le Bâtiment H a accueilli près de 40 personnes issues des différents centres d’accueil Croix-Rouge. Il en reste 26 aujourd’hui.
Déménagement et premiers jours au « Bâtiment H » pour Tonton Emma
« J’ai d’abord été informé par le bureau médical du centre où je résidais que je figurais sur la liste des personnes vulnérables et qu’il m’était conseillé de me rendre dans un bâtiment spécial pour ma protection. On m’a expliqué que ce bâtiment était complètement isolé du reste du centre dans le but d’éviter tous contacts et de réduire le risque de contamination par le virus. On m’a également fait lire le règlement d’ordre intérieur avant de me proposer un temps de réflexion avant d’accepter ou non de m’y rendre. Après 3 jours, j’ai bien pris conscience que c’était dans mon intérêt et pour ma protection.
Je suis arrivé au BMH [NDLR : bâtiment H] seul, en taxi. Je me posais beaucoup de questions : Qui étaient les autres personnes isolées avec moi ? Etaient-elles malades ou contagieuses ?
A mon arrivée, mon impression était plutôt négative. Tout le monde s’évitait. Les gens semblaient avoir peur les uns des autres. C’était compliqué de se sentir bien. Je me sentais confiné dans le confinement !
Comme tous, j’ai reçu un thermomètre afin de relever ma température matin et soir. Après 2 semaines, j’ai vu que personne n’avait dû être écarté. Cela signifiait donc que personne n’était malade ou contagieux. Ça m’a rassuré.
Depuis, on a pris nos marques et les choses se passent mieux. »
Tonton Emma reste en contact régulier avec des amis et membres de l’équipe de son centre d’origine. Il a également pu avoir des nouvelles de l’association où il est habituellement volontaire.
Un départ précipité mais salutaire pour Sarah*
Sarah aussi, se souvient bien des débuts et de la peur ressentie lorsqu’elle a dû préparer ses affaires dans la précipitation pour venir s’installer au Bâtiment H. C’était une décision si difficile à prendre qu’elle a accepté son départ à la dernière minute, consciente, elle aussi, qu’il en allait de sa protection.
« J’avais mille questions en tête et ressentais beaucoup de stress. Je ne savais pas où j’allais ni pour combien de temps.
En plus, je quittais un centre où j’avais pris mes marques. On me connait et je connais bien les membres de l’équipe. J’avais vraiment l’impression de devoir recommencer tout à zéro, encore une fois. Et surtout, j’allais vivre ce changement en étant toute seule, pour la première fois de ma vie ! Je n’ai jamais été toute seule.
Tous ceux qui me connaissent se demandaient comment j’allais survivre : « Sarah ne peut pas survivre toute seule, elle a besoin de s’occuper des autres en permanence ! »
Et effet, les premiers jours furent très difficiles. En plus d’être toute seule, je devais me faire servir ! Ici, je ne peux pas cuisiner pour moi ni faire mes courses. Je reçois parfois l’opposé de ce que je demande. Mais quand je vois l’équipe dévouée qui fait de son mieux et qui, surtout, le fait avec le cœur, je ne peux qu’accepter. Même si c’est un très grand changement pour moi, j’ai décidé d’accepter ce challenge et d’en faire une expérience.
Apprendre à vivre seule, c’est aussi me préparer à la vie après le centre.
Je me suis fait un planning pour lutter contre la procrastination. L’organisation me fait du bien. Je lis. Je suis des formations en ligne, je prends soin de ma chambre. Ici j’ai une chambre avec des grandes fenêtres. J’aime observer la nature, le ciel, la beauté autour de moi. Je m’occupe aussi via les services communautaires.
Je vois les choses comme ça pour le moment : chaque pas après l’autre. Hier, je craignais demain. Demain, c’est aujourd’hui et j’ai survécu. J’apprends beaucoup de choses sur moi…
*Prénom d’emprunt